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et quelques-uns, ayant
fait mine de le chercher, s’en revinrent au point du jour.

Voilà la reine Marguerite en grand’peine de cet époux qui ne l’avait
point avertie ; elle pleure et se lamente, et le roi son frère menace de
lui donner des gardes. Par vengeance, il résolut d’envoyer des hommes
d’armes dans le château de Torigny, avec l’ordre de s’emparer de la dame
de Torigny, l’amie et la cousine de la reine Marguerite, et de la jeter
dans la rivière. Ces mécréants, sans autre forme de procès, s’emparent
du château à minuit. Ils mettent le manoir au pillage, et quand ils se
sont bien gorgés de viande et de vins, ils lient cette misérable dame
sur un cheval pour la jeter à la rivière... Deux cavaliers, amis de
la reine Marguerite, passaient par là à la même heure, et voyant le
traitement que subissait la dame de Torigny, ils la délivrent et la
mènent au roi de Navarre. A cette nouvelle, la colère de la reine mère
et de son digne fils ne connaît plus de bornes ; ils veulent que la reine
Marguerite leur serve au moins d’otage, et la voilà prisonnière et
seule, et pas un ami qui la console. Il y en eut un, cependant, ami
dévoué de la mauvaise fortune, un vrai chevalier, M. de Crillon, qui
s’en vint, chaque jour, visiter la captive, et pas un des gardiens n’osa
refuser le passage à ce brave homme.

Cependant le roi de Navarre avait regagné son royaume ; il attirait à
sa bonne mine, à sa juste cause, un grand nombre de gentilshommes.
Il retrouvait son petit trésor très grossi par l’épargne de sa sœur
Catherine ; et, comme chacun lui représentait qu’il eût bien fait
d’amener avec lui la reine Marguerite, il lui écrivit une belle lettre,
dans laquelle il la rappelait de toutes ses forces, remettant sa cause
entre ses mains, et déplorant sa captivité.

Henri III s’obstinait ; mais la reine mère eut compris bien vite que
l’injustice dont elle accablait sa propre fille était une grande faute.

« Elle m’envoya quérir, voua dira Marguerite en ses Mémoires, qu’elle
avoit disposé les choses d’une façon pacifique, et que si je faisais un
bon accord entre le roi et le roi de Navarre, je la délivrerais d’un
mortel ennui qui la possédait. A ces causes, elle me priait que l’injure
que j’avois reçue ne me fit désirer plutôt la vengeance que la paix ; que
le roi en étoit marry, qu’elle l’en avait vu pleurer, et qu’

il