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fidèles à la prière ; ils obéirent à l’appel sacré, justement parce qu’ils avaient cessé d’être misérables. Les femmes furent les premières à quitter leurs haillons pour des habits simples et de bon goût. Les hommes revinrent à la charrue, à la herse, à tous les instruments qui font vivre et réjouissent l’humanité. Le pourceau, sauvé par miracle, eut une progéniture abondante. Le petit enfant grandit et devint un grand justicier, chef d’un parlement dont la voix était souveraine. On ne s’étonna guère, lorsque, un matin, le vieux château fut éventré, dont les matériaux servirent à faire un aqueduc, un pont, une chaussée. Enfin vous avez deviné que le nouveau seigneur était justement le jeune homme de la maison neuve. Ils avaient commencé par renoncer à leur droit de potence, à leur droit de galères et de gibet. Ils avaient fait de la potence une indication pour guider les voyageurs dans la forêt.

Nous avons encore à raconter une aventure, et tout sera dit : le jour où disparut le bailli, les anciens du village qui avaient gardé leur sang-froid avaient très bien vu que Satan, de sa main pleine d’éclairs, avait gravé on ne sait quoi sur la branche la plus haute du vieux chêne. Le vieux chêne mourut de vieillesse, et les bûcherons, en le dépouillant de sa couronne, y trouvèrent ce mot mémorable, écrit en traits de feu : JUSTICE !