Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/233

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il y a, non loin d’ici, un très galant homme, appelé Me Urbain, cœur dévoué, qui ose à peine lever les yeux sur cette beauté, livrée à un pareil butor !

Me Urbain était justement l’oncle de Gaston, Gaston avait deviné tout son secret. Quant à lui, qui n’avait que la cape et l’épée, il était un amoureux sans espérance. Il s’était bien juré de n’en jamais rien dire à Mlle Laure, et peu s’en faut qu’il n’eût chanté :

 
Un vrai soldat sait souffrir et se taire
         Sans murmurer.


A chaque instant grandissait l’amitié des deux compagnons. Une heure allait sonner ; ils n’avaient pas de temps à perdre avant de prendre une décision.

— Voilà, dit M. Fauvel, ce qu’il faut faire. Êtes-vous hardi ?

— Ma foi, je n’en sais rien ; disons mieux, je ne le crois pas. Cependant je ferai volontiers ce que vous ferez.

— C’est bien dit ; mais moi, je vais commencer par faire ce que vous avez déjà fait : je vais me faire beau ; puis, quand je serai, comme vous, tiré à quatre épingles, savez-vous où nous irons ? Nous irons bras dessus bras dessous, à quatre heures sonnantes, dîner chez Mme de Saint-Géran.

— Dîner chez Mme de Saint-Géran, maître ! Y pensez-vous ? Elle a justement douze personnes à dîner aujourd’hui, tout ce que la salle à manger peut contenir. Aujourd’hui même on lui présente M. Romain, roi de la fête, et vous vous présenteriez vous-même en disant qui vous êtes ; Jolibois, le factotum, vous jetterait la porte au nez. Vous connaissez Mme de Saint-Géran ?

— Je ne lui ai jamais parlé ; encore ce matin, avant