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— Je reconnais bien là mon animal Gloria, se disait M. Fauvel. Le voilà bien : vantard, bavard, impertinent, faquin. Je ne donnerais pas dix écus de son tilbury, de son cheval et de lui-même par-dessus le marché.

Peu s’en était fallu cependant que ce maladroit n’écrasât la petite Basse-Brette, à force de torturer un pauvre animal qui ne demandait qu’à marcher doucement.

M. Romain descendit de son tilbury à la porte des Armes de France, et quand il eut bien recommandé à haute vois qu’on essuyât l’écume de son cheval, il entra pour jouer une poule avec son ex-ami le commis voyageur. Ils se parlaient d’une façon malséante, à en croire certains accès de voix qui leur échappaient entre deux effets de bille, dont eux seuls étaient les juges et les témoins.

M. Fauvel, quand il eut bien étudié le théâtre où tout à l’heure il allait jouer un si grand rôle :

— Au fait, se dit-il, il me manque au moins un confident. C’est une loi très sensée et très juste de notre art poétique de ne point être seul. En vain auriez-vous le génie et la volonté suffisants pour l’accomplissement du drame, encore faut-il avoir quelqu’un qui vous réponde si vous l’interrogez, qui vous admire aux belles scènes et qui vous conseille aux passages difficiles. Deux hommes qui s’entendent bien et qui vont du même pas, font tout de suite un grand chemin, celui-ci s’appuyant sur celui-là. Mais un confident désintéressé ou, mieux encore, un confident qui aurait un intérêt tout-puissant à voir châtier ces perfides, où donc le trouver en ce jour, et juste à l’heure où la toile va se lever, après une ou deux ritournelles de l’orchestre ?

Ainsi songeant, notre malheureux poète restait plongé dans ses profondes réflexions. M. Jean, entr’ouvrant la porte, hésita quelque peu, tant il avait peur de