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pied léger. Elles semblaient se sourire l’une à l’autre. La première approchait de la quarantaine ; elle était de belle taille, de bel embonpoint. Ses cheveux blonds encadraient, d’une façon charmante, un calme et doux visage. Elle occupait encore le beau milieu de la jeunesse ; elle avait la démarche et le maintien d’une femme honorée, à qui jamais personne, homme ou femme, n’a manqué de respect. De sa main bien gantée elle tenait la main d’une jeune personne qui n’avait guère plus de seize ans, très mignonne et cependant très formée, avec de beaux yeux noirs. Ah ! que celle-ci était jolie et que celle-là était charmante !

— Je suis bien sûr, se disait notre héros, que voici ma cousine et sa nièce. Hélas ! quel dommage ! et quel crime de donner toutes ces beautés à ce faquin de Romain Rocaillou ! Passez, passez, Mesdames, un homme est là qui veille sur vous.

Tout à côté de la demoiselle, une petite servante au pied leste, à l’air éveillé, portait leur livre de messe et leur servait de garde du corps.

— Voilà ma Bretonne. Elle a l’air d’une vaillante et honnête fille, et je ne serais pas étonné que ce malbâti aux cheveux jaunes, qui s’en va la main dans sa poche et les yeux baissés, ne fût M. Jolibois en personne.

Plus la sonnerie de la messe arrivait aux trois derniers coups, plus ce petit monde allait rapide et serré dans la rue.

— Holà ! hop ! gare à vous ! criait à l’autre extrémité, d’une voix de stentor, un grand dadais huché sur un tilbury à soufflet que traînait un vieux cheval. Le cheval piaffait, le fouet claquait, l’homme au tilbury hurlait ; tout s’effaçait et pâlissait devant cette tempête à deux roues.