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— Nous autres, poètes comiques, se disait-il, nous nous croyons de grands inventeurs quand nous avons refait pour la vingtième fois les personnages, vieux ou ridicules, inventés par nos devanciers. Mais que nous voilà loin de compte avec la vérité toute pure ? En moins de douze heures, j’ai vu plus de grimaces, plus de vices et plus de ridicules originaux qu’on n’en saurait rencontrer dans toutes les comédies de l’éloquent Aristophane, du divin Térence et du Romain par excellence appelé Plaute, un si merveilleux écrivain que si les Muses voulaient parler la langue latine, elles parleraient la langue de Plaute. Ainsi, par notre habitude inintelligente de suivre à tout jamais les sentiers connus de la comédie, il advient que nous faisons toujours la même œuvre. Au contraire, échappons pour un instant aux sentiers battus, voilà soudain toutes sortes de comédies nouvelles qui sortent de ces sillons lumineux, comme autant d’alouettes dans les blés. Que j’ai donc bien fait de me mettre en route et de rencontrer ces coquins grotesques, si gais dans la forme, et qui feront rire aux éclats aussitôt que, d’une main diligente et sous les traits des comédiens aimés du public, je les flagellerai de mon fouet fraîchement taillé !

Telle était son intime joie, et dans ce bonheur d’écrire une aimable comédie il oubliait l’honneur et le devoir de délivrer une dame assiégée par toutes les rancunes, par toutes les passions, par toutes les misérables jalousies qu’une petite ville peut contenir. On dirait que La Bruyère avait sous les yeux notre ville de Saint-Géran lorsqu’il disait, dans son ironie excellente :

« J’approche d’une petite ville, et je suis déjà sur une hauteur d’où je la découvre ; elle est située à mi-côte ; une rivière baigne ses murs et coule ensuite dans une belle prairie ; elle a une forêt épaisse qui la

couvre des vents froids, et de