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plus beau moment de son grand succès, ne manquait pas d’amitiés pour l’en distraire. Il était le bienvenu dans les meilleures et les plus considérables maisons de Paris, et c’était à qui le posséderait quatre ou cinq jours dans les plus beaux domaines de Versailles, de Sceaux et de Saint-Germain.

Ainsi, des deux côtés, c’étaient autant de motifs pour que la cousine et le cousin s’oubliassent réciproquement. Les amitiés du monde sont ainsi faites, elles se nouent et se dénouent si volontiers, que ce n’est guère la peine d’en avoir.

Cependant, comme il y avait tantôt dix années que le poète était à l’œuvre et qu’il se sentait las d’écrire, il résolut, un beau jour, pour se donner un vrai congé, de quitter sa bonne ville de Paris, sa mère nourrice qui suffisait à son œuvre entière, et de chercher au loin quelques heures de liberté et de repos. Vous savez déjà qu’il était modeste en toute chose et que, s’il avait un peu d’orgueil, il n’avait point de vanité. Il prit donc, comme un simple voyageur, la diligence du Midi qui passait par le Mâconnais, et quand il vit que la diligence était pleine, il s’en réjouit comme d’un accident favorable à sa profession. Il allait donc voir enfin des gens de la province, et regarder de très près dans ces cavernes. Il allait prêter une oreille attentive à ce babil intarissable, à ces petites ambitions si furieuses pour un rien, à ces avarices gigantesques et sans honte. « Oh là ! se disait-il, ne dormons pas ; écoutons bien, regardons tout. » Mais à peine il eut regardé le paysage pendant deux ou trois heures, il s’endormit d’un sommeil si profond, qu’il fallut le réveiller pour lui dire que l’on était arrivé au Soleil d’or, où le dîner était servi.

Ce Soleil d’or représentait une assez grande auberge,