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dignité qui ne l’a pas quitté un seul jour, non pas même à son agonie. Et quand il fut au cercueil, ses serviteurs les plus proches s’étonnèrent qu’il n’eût que la taille ordinaire des hommes, pas un n’ayant osé le regarder face à face.

Il faisait toute chose ; il était le commencement et la fin de toutes les fortunes de son siècle. Il tenait les maréchaux de France sous sa dépendance immédiate, et de son cabinet il leur envoyait le plan de leurs campagnes tracé de sa main. En même temps, plus de seigneurie et plus de seigneurs ; Richelieu avait abattu les têtes les plus hautes, et, désormais, qui voulait vivre accourait à Versailles, trop heureux quand le roi lui accordait un coup d’œil, et lui faisait donner le bougeoir, lorsqu’au sortir de sa prière il désignait le courtisan favorisé qui le devait accompagner jusqu’au seuil de sa chambre.

Il voulait être accompagné et suivi partout : à Meudon, à Versailles, à Marly, à Fontainebleau, demandant pour quel motif celui-ci s’était absenté la veille, et bien persuadé qu’un homme était mort, qui ne l’avait pas salué depuis huit jours. Pas de secrets pour le roi ; il voulait tout savoir, il savait tout. Des gens à lui violaient le secret des lettres, et lui rapportaient les mystères les plus cachés de chaque famille. Il savait la valeur de son sourire, et le prix de son moindre regard. Telle était sa politesse, qu’il levait son chapeau pour toutes les femmes, les connues, les inconnues. Chacun s’extasiait devant ses révérences. Il avait inventé cette définition : que l’exactitude était la politesse des rois. Exact jusqu’à la minutie, il disait une fois : J’ai pensé attendre !

Enfin, si profonds étaient les respects dont on l’entourait, qu’ayant envoyé une lettre au duc de Montbazon, gouverneur de Paris, par l’un de ses valets de pied, M. le duc de Montbazon fit