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jeune roi de vingt-trois ans, qui grandit si vite et si bien, au milieu de tant de beaux génies, espoir de la guerre, honneur de la paix. Tant de grands poètes, de ministres habiles, de généraux aimés de la victoire. En même temps, les femmes les plus considérables par leurs grâces et par leur beauté, qui enseignèrent au jeune prince l’élégance et la politesse. Il était né avec la majesté, et pas un de ses sujets n’a jamais pensé qu’il pût être autre chose qu’un grand roi. Il le sentait lui-même ; il comprenait les devoirs du règne. Il avait près de lui, pour lui enseigner le gouvernement, le grand ministre Colbert. À peine roi, il fut appelé hors de ses frontières par des guerres nationales ; il agrandit la France ; il fit sentir l’autorité française en Italie, en Allemagne, en Espagne, et de très bonne heure il habitua l’Europe à dire tout simplement : le roi ! sans ajouter : le roi de France. Le roi est mort ! retentit dans le monde entier.

En même temps, que de chefs-d’œuvre éclos à l’ombre éclatante de ce grand trône ! Il avait Molière à ses ordres ; Racine, initié dans les passions de sa jeunesse, les transportait sur le théâtre. Il y eut dans le jardin de Versailles de telles fêtes, que la poésie en devait garder le souvenir. Des paroles furent prononcées, dans cette chapelle de Versailles, d’une solennité si grande, que l’écho doit s’en prolonger jusqu’à la fin des siècles : le sermon sur le petit nombre des élus, par exemple. Adoré des uns, redouté de tous, admiré du grand nombre, il était le maître, il était l’arbitre, et pas un sujet qui refusât de donner pour le roi sa vie et sa fortune. Il ne voyait qu’obéissance autour de son trône : obéissance de son frère, obéissance de son fils unique, obéissance des princes de la maison de Condé, obéissance de la ville et de la cour, des Parlements, des provinces, avec tant de