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le premier médecin a cessé de rien écrire. Il ne s’inquiète plus de la santé du roi !…

C’est même une chose incroyable de voir que soudain tout diminue et s’assombrit dans le palais de Versailles. La vieillesse habitait avec la majesté ce logis des fêtes et des splendeurs. Il y avait déjà quatre ou cinq ans que le marquis de Dangeau écrivait sur son registre :

« Le roi est entré aujourd’hui dans la soixante-cinquième année de son règne, chose dont il n’y a aucun exemple en Europe depuis la naissance de Notre-Seigneur. »

La mort accomplissait autour du roi ses œuvres les plus cruelles, frappant sans pitié les premiers compagnons de son règne, et ses héritiers encore au berceau. Tel un vieux chêne de la forêt de Fontainebleau : tout périt à son ombre, et lui seul il résiste à l’assaut des orages et des années. Les poètes meurent en même temps que les capitaines : Vauban et Despréaux disparaissent le même jour, lassés de vivre, et plus inquiets de leur salut que de la faveur du roi. Le peuple, appauvri par le faste de son maître et par la famine, a déjà fait entendre au loin les premiers murmures :

« Mme de Maintenon alla à Meudon, et vit Monseigneur dans sa petite galerie du château neuf ; messeigneurs les ducs de Bourgogne et de Berri y étaient. Monseigneur lui fit beaucoup d’honnêtetés, malgré l’incognito. Elle était partie de Vincennes à midi ; et le peuple, dans le faubourg Saint-Antoine, voyant passer deux carrosses à six chevaux, commençait à dire des insolences, et elle fut fort aise de trouver les mousquetaires qui la firent passer. »

Ces plaintes des faubourgs iront grandissant toujours. Mais aussi, que d’aventures étranges dans cette noblesse