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les privilèges et honneurs du grand chambellan. On l’appelait : Monsieur le comte ; il portait une couronne de comte dans ses armes, et la transmettait à ses enfants. Conseiller d’État, il en avait le costume ; il intervenait dans toutes les causes de la profession. Le médecin du roi eut l’honneur de défendre au Parlement l’émétique et la circulation du sang.

Et de même que le jeune roi fut un des premiers à se purger avec l’émétique, un des premiers il essaya le quinquina, et, s’en étant bien trouvé, il en acheta la secret d’un empirique anglais, nommé Talbot, moyennant quarante-huit mille livres, deux mille francs de pension viagère et le titre de chevalier. C’était payer royalement, et, le remède acheté, le prince en fit présent à son peuple, avec l’approbation de la Faculté de Paris et de la Faculté de Montpellier.

Rabelais, docteur de la Faculté de Montpellier !

Donc, il y avait à Versailles, dans la chambre du roi, un grand-livre aux armes royales, écrit en partie double et jour par jour, et de la main du premier médecin, lequel livre était intitulé : Journal de la santé du roi De tous les livres qui s’écrivaient au dix-septième siècle (et Dieu sait que les chefs-d’œuvre ne manquaient pas !), ce Journal de la santé du roi est, sans contredit, le plus considérable et d’un intérêt tout-puissant. C’est surtout dans ces pages inattendues en pareille histoire que vous trouverez, en dépit de Molière, un témoignage authentique en l’honneur de ces médecins, tant moqués quand le roi était jeune. À chaque instant, à chaque ligne de ce grand-livre, on frémit en songeant à l’état où serait le roi de France s’il était exposé aux malédictions de M. Purgon : « Je vous abandonne à votre mauvaise constitution, à l’intempérie de vos entrailles, à la corruption de votre