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vous tiens. Maladroit ! c’était bien la peine de courir toute la contrée et de me tendre ainsi tous ces pièges, pour tomber dans mon embuscade ! Où sommes-nous, en ce moment, mon camarade ? Ne vois-tu pas que nous entrons dans le sentier qui mène au couvent de Sainte-Croix ? Le couvent a disparu, c’est moi qui l’ai rasé, et je me suis emparé de tous ses domaines. Mais j’ai respecté le calvaire, élevé sur ces hauteurs le jour même de la Passion, et dans ce calvaire sont contenues les reliques de saint Pierre martyr, de saint Eutrope, de saint Barthélemy, de sainte Catherine, vierge et martyre, et des dix mille crucifiés. C’est là que je vous attends, messire démon, et nous verrons si vous osez me poursuivre à l’ombre de la croix.

Qui fut contrarié de cette déclaration ? Ce fut Satan. Il s’en voulait d’avoir négligé ce formidable rempart que les saints avaient dressé de leurs mains pieuses sur la montagne. Il savait d’ailleurs la force et l’autorité de certaines reliques enfouies dans ce calvaire. Il s’en voulait enfin d’être une dupe de ce bailli de la pire espèce, et d’avoir rencontré plus fin que lui. C’était sa bataille de Pavie :

— Je prendrai ma revanche une autre fois, se dit-il en maugréant.

Cependant, comme il ne voulait pas s’en aller les mains vides :

— Je m’en vais chercher fortune ailleurs, dit-il au bailli, si du moins tu veux me donner ces deux vilains hommes qui marchent à ta suite... Est-ce dit ? Est-ce fait ?

— Vous n’aurez pas ça de moi, reprit le bailli, en faisant craquer contre sa dent jaune un ongle aigu. Ces deux hommes sont nécessaires à ma haute et basse justice. Celui-ci est le bourreau de nos domaines. Pas