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par tant de rois, de reines, tant d’ambassadeurs, tant de saints évêques, tant de béantes profanes, royauté d’autrefois qui se peut suivre à la trace dans ces magnifiques jardins, il est impossible de tous saluer de sang-froid. Chaque pas que l’on fait dans ces sombres allées est un souvenir, chaque pas que l’on fait dans ce château funèbre est une élégie. En vain ces murs sont recouverts de toiles nouvelles ; en vain sont-ils chargés de bas-reliefs et d’emblèmes ; en vain toutes sortes de statues se tiennent debout dans ces galeries splendides… ; on respire en ces lieux magnifiques je ne sais quelle senteur de mort qui épouvante.

Voici la chambre auguste où devait mourir le grand roi ; le lit est orné de la draperie brodée à Saint-Cyr par Mme de Maintenon ; le portrait de Madame, « une des têtes de morts les plus touchantes de Bossuet, » sourit, comme autrefois, de ce sourire attristé par tant de malheurs. La balustrade où si peu de gens avaient le droit de pénétrer, la voilà fermée à jamais ; sur le prie-Dieu, une main pieuse a posé le livre de prières ; le précieux couvre-pieds, en deux morceaux, a été retrouvé, une moitié en Allemagne, et l’autre part en Italie. Les deux tableaux, de chaque côté du lit, représentent une Sainte Famille de Raphaël, une Sainte Cécile du Dominiquin ; le plafond peut compter parmi les miracles du grand Vénitien, Paul Véronèse ; l’empereur Napoléon lui-même, au plus beau moment de ses conquêtes, a rapporté cette toile superbe de la galerie du conseil des Dix. Les portraits, inestimable ornement de ces portes du palais du Soleil, sont dignes de Van Dyck, qui les a signés.

Si plus loin, encore ébloui de ces splendeurs, vous entr’ouvrez d’une main pieuse cette porte à demi cachée, aussitôt quelle retraite austère ! Là s’agenouillait Louis XIV