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Versailles, celui qui devait élever ces murailles et les peupler d’hôtes de génie, Louis XIV paraît. À sa voix cet immense chaos est remplacé par une magnificence pleine d’art et de goût. En vain la nature, et la disposition des lieux, et l’aridité du terrain semblent mettre autant d’obstacles invincibles aux volontés du jeune monarque ; présidé par Louis XIV, un conseil d’hommes de génie se réunit pour édifier ces superbes demeures. Mansart élève les plafonds que Lebrun charge de chefs-d’œuvre ; Le Nôtre dispose les jardins et répand dans ces terrains stériles des fleuves entiers, détournés de leur cours naturel par une armée de travailleurs ; Girardon et le Puget peuplent ces rivages, ces bosquets, ces grottes humides, d’une armée de nymphes, de tritons, de satyres, de tous les dieux de la gracieuse mythologie ; et quand enfin le palais fut bâti et digne du roi Louis XIV, Colbert, le grand Condé, tous les maîtres du dix-septième siècle en prirent possession comme de leur demeure naturelle, et avec eux tous les esprits de cette belle époque, les rois de la pensée et de la poésie. Et n’oublions pas d’autres puissances qui voyaient à leurs pieds les rois ainsi que les poètes : Henriette d’Angleterre et Mlle de La Vallière, Mme de Montespan et Mme de Maintenon.

Louis XIV, le roi de toutes les grâces et de toutes les élégances, le tout-puissant qui avait en lui-même le sentiment de toutes les grandeurs, avait fait de ce palais le seul asile qui fût digne de sa gloire, le seul abri de ses travaux et des sévères préoccupations de sa vieillesse empreinte de majesté, de tristesse et de résignation. Sa vie entière, sa florissante jeunesse, son âge mûr respecté, son déclin, derniers rayons du soleil, elle s’est écoulée dans ces murs. Eaux jaillissantes, marbres, bronzes, vieux orangers chargés de fleurs, vaste pelouse foulée