Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/150

Cette page n’a pas encore été corrigée

hui, vous racontera que cette couronne d’oranger offerte à la sainte Vierge a décidé du grand orage. Il grondait terrible et fulgurant, lorsque Mariette et son mari montèrent dans le chariot de leur fermier, pour se rendre à leur maison des champs. Comme ils longeaient la rue où le général les avait précédés, Louise apparut, tenant dans ses bras la petite Zémire et disant :

— Je ne veux pas séparer ces trois êtres, désormais inséparables. Adieu, ma bonne Mariette, embrassez-moi ; et vous, Monsieur le colonel, ayez grand soin de Zémire et de ma sœur de lait.

La pluie, en cet adieu, tombait à verse, et Louise en toute hâte rentra dans la maison paternelle. Mariette et son mari firent un beau voyage à travers ces plaines, par ces collines vivifiées et ranimées. L’écho redisait, joyeux, le bruit de ce tonnerre heurtant le nuage et le précipitant sur la maison à demi brûlée. A chaque pas se relevait la plante ; on entendait dans le sillon le bœuf aspirer de ses naseaux la fraîcheur de ces belles ondées. L’oiseau chantait son cantique à la Providence ; au-devant de l’orage accouraient tête nue le laboureur, le vigneron, le jardinier, rendant grâce à la saison clémente, et la joie universelle et l’orage allaient grandissant toujours. Le sol fécondé s’enivrait de la divine rosée ; on entendait déjà bruire entre ses rives rajeunies le ruisseau tari si longtemps. La bénédiction de là-haut s’unissait aux bénédictions d’ici-bas.

Mariette et son mari, silencieux et charmés, s’enivraient de ce grand miracle. Ils ne disaient rien, se disant tant de choses ; ils avaient oublié même Zémire. Elle perdit toute patience, et fit un appel à ses deux compagnons. Ils s’aperçurent alors qu’elle portait, en guise de collier, le bracelet favori de Mlle de Beaulieu.