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étonné lorsque Mlle Mariette, l’interrogeant à la façon du juge d’instruction :

— Nous voudrions savoir, Monsieur le colonel, dans quelles intentions vous venez si souvent dans notre maison. Il serait temps de le dire, surtout si c’est notre jeune demoiselle qui vous attire. A vous parler franchement, il ne dépend que de vous d’obtenir la main de Mlle de Beaulieu. Il nous a semblé que vous n’étiez pas mal vu de Mlle Louise, et que votre mariage serait facile avec elle, n’était le chagrin que son père en ressentirait.

A cette déclaration inattendue, qui fut bien étonné ? Le bon Martin. Il resta quelque temps confondu et pénétré du bonheur qui l’épouvantait. Mais enfin, d’une voix très émue il répondit :

— Pensez-vous donc, Mademoiselle Mariette, que je pourrais oublier la dette que j’ai contractée envers le général de Beaulieu, mon bienfaiteur, en lui dérobant le cœur de sa fille ? Je serais son père, avec plusieurs années par-dessus le marché. Non, non, à Dieu ne plaise que j’oublie ainsi tous mes devoirs ! Moindre est mon ambition, et cependant j’ai bien peur qu’elle ne soit encore au-dessus de mes espérances. Maintenant que j’ai de quoi vivre, avec un beau grade, il me semble que je pourrais obtenir la main d’une belle fille de Normandie, avenante et bonne, qui me permettrait de l’aimer et peut-être aussi de fonder une famille avec son aide et sa protection. Vous m’avez raconté plusieurs fois, Mariette, que du chef de votre père et de votre mère vous étiez propriétaire d’une ferme à dix lieues d’ici. Ajoutée à mes pensions, qui seront réglées avant peu, cette ferme est une fortune. Enfin, si vous êtes plus jeune que moi, je puis du moins, sans trahir les lois naturelles, solliciter une si belle union.