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dans la consternation. Il y avait, autour de la caserne, des femmes et des enfants qui pleuraient, des créanciers désolés, des amis au désespoir. On se disait adieu, on se serrait les mains. Les lanciers saluaient de la lance et les dames de leurs mouchoirs. La musique sonnait de toutes ses sonneries : trompettes, clairons et bassons. Le drapeau déployait sa flamme à tous les vents ; les chevaux hennissaient, les sous-officiers juraient, les lanciers riaient, les chiens hurlaient. Sur un cheval blanc se tenait un grand corbeau les ailes étendues ; il appelait la tempête, et la tempête ne venait pas.

Tout disparut dans les lointains poudreux du Champ de Mars. Les officiers venaient à la suite, et, le dernier de tous, le commandant Martin, simple et calme à son habitude. Il reconnut ces dames, et la petite bête à la portière, qui regardait, curieuse, tout ce départ. Le capitaine alors les saluant de l’épée :

— Adieu, Zémire !

Et Zémire aboya douloureusement.

Sur l’entrefaite revint Mariette. Un maréchal des logis chef, interrogé par l’intelligente servante, répondit que c’était tout au plus si le commandant savait à l’avance la destination du régiment, et Mariette, attristée, avait pensé qu’il était inutile de remettre la lettre d’invitation.

Tout fit silence.

— Ah ! ma tante, s’écria la nièce, je suis bien malheureuse, et que nous avons de reproches à nous faire ! Au moins devais-je lui dire le nom de notre famille et que mon père était un des chefs de l’armée. Hélas ! le voilà parti sans se soucier de ces ingrates... Adieu, Zémire !

Et Zémire, voyant pleurer sa jeune maîtresse, essuya ces beaux yeux qui n’avaient pas souvent pleuré.

C’est une tâche ingrate, une entreprise difficile, de conduire