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cette journée ? il fallait rentrer au logis. Plus la dame aux riches atours semblait irritée, plus la bestiole implorait son pardon, sans sa douter que cette robe était un phénomène. Enfin un jeune homme qui était avec cette femme irritable asséna sur la tête et sur les deux pattes de la triste Zémire un violent coup de ses deux gants. Tout le café retentit du cri de Zémire.

Hélas ! c’était la première fois qu’elle était battue ! Elle revint en toute hâte au groupe où sa plainte avait soulevé tant d’angoisses... Un doute arrêta la triste Zémire : elle se demanda si ses trois gardiennes, épouvantées de l’accident, auraient assez de force pour la défendre et de volonté pour la protéger contre un nouvel attentat. Alors, s’étant décidée et, d’un bond plein de grâce, elle se mit à l’abri du commandant Martin, qui déjeunait paisiblement en face de Mariette, Mariette ayant déjà remarqué que son voisin respirait à la fois le calme austère et la bonté d’un homme habitué au commandement.

Martin commandait à tout un escadron de cavalerie légère et pas un de ses officiers qui passât devant lui sans lui présenter ses respects.

Il ne comprit pas, tout d’abord, les malheurs de Zémire, et pourtant, flatté de sa préférence, il l’adopta d’un geste paternel :

— On nous a donc fait un gros chagrin ! dit-il, quelque brutal aura marché sur la patte à Zémire ! Allons, consolons-nous !

Il disait ces tendres paroles d’une vois si douce, que Zémire en fut toute rassurée, et que les trois dames en furent touchées jusqu’aux larmes. Quand il vit que le mal était dissipé et qu’il pouvait toucher à la tête endolorie :

— Eh bien, ça ne sera rien, reprit-il, et maintenant, qu’en dis-tu, si nous déjeunions ?

Ce brave homme avait devant lui une tasse de café au