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avec une certaine déférence du côté de Mariette. Elle était vêtue en paysanne cossue ; à sa tête le vaste bonnet normand ourlé de dentelles, à son cou la croix martelée à Fécamp par les anciens orfèvres de l’antique province. Autant la demoiselle était frêle et d’une apparence chétive, autant la Mariette était d’une opulente et vivace santé. Rien ne gênait son beau rire et son grand art de ne s’étonner de rien. Il y avait déjà trois ou quatre jours que ces dames avaient fait le projet de venir déjeuner en garçons dans cette maison, voisine de leur hôtel ; elles s’en faisaient une grande fête. A leur entrée, il y eut parmi les habitués un mouvement de curiosité discrète et bientôt réprimée, chacun ayant compris que les nouvelles venues appartenaient évidemment au meilleur monde.

A peine elles furent assises :

— Ah ! mon Dieu, s’écria Mariette, Zémire est perdue ! Où donc est-elle ? Elle m’est échappée, et Dieu sait si la pauvrette est en peine !

En même temps, elle se levait en criant :

— Zémire ! Zémire !

Or Zémire avait retrouvé la piste, et si contente et si gaie elle allait à travers les deux salons, disant à chaque gambade, en petits cris joyeux :

— Rassurez-vous, chères amies, me voilà !

Zémire était une bête charmante de la plus belle race écossaise et grosse à peine comme le poing. Elle avait les grâces et les gaietés de la première jeunesse ; ignorante de toute malice, il n’y avait rien de plus leste et de plus enjoué. La nuit venue, elle couchait sur les pieds de Mariette ; toute la famille en raffolait ; tout le quartier savait son nom. Sa jeune maîtresse l’appelait l’oiseau. Que de morceaux de sucre à son intention da