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assesseur du bailli. Certes, celui-ci n’eût pas mieux demandé que d’enfouir la bête au fond d’un sac et de rentrer dans le château, pour se remettre en campagne le lendemain ; mais le cheval obéissait à la main ténébreuse. En même temps, le pourceau refusait d’aller plus loin et se débattait de toutes ses forces.

— Que le diable t’emporte ! s’écria le paysan.

A ces mots, le bailli, qui commençait à trembler fort, se sentit tout rassuré. Car c’est l’usage entre les démons de l’autre monde et les démons de celui-ci, sitôt que le diable a trouvé sa proie, il faut nécessairement qu’il l’accepte et s’en aille au loin chercher une autre aventure. Ainsi, vous rencontreriez Satan lui-même et vous lui donneriez à emporter la première créature qui s’offrirait à ses yeux :

— Tope là ! dirait Satan.

Alors il faudrait bien qu’il se contentât d’une poule noire, ou d’un mouton, moins encore, d’une grenouille au milieu du chemin. Ces sortes de pactes, cependant, ne lui déplaisent pas, parce que le hasard et Satan sont deux bons amis. Plus d’une fois il lui est arrivé de rencontrer le vieux père, ou la femme, ou le fils de ce même compagnon, qui déjà s’en croyait quitte à si bon compte.

Hélas ! c’est l’histoire d’Iphigénie ou de la fille de Jephté !

Donc, le bailli, de son petit oeil narquois, disait à cet oeil noir :

— Puisqu’on te le donne, ami fantôme, prends ta proie, et va-t’en loin d’ici. Eh bien, que tardes-tu ? c’est le pacte, me voilà délivré de tes griffes.

A quoi l’homme noir répondit par un rire silencieux et de petites flammes bleues qui sortaient de sa bouche :

— Oui, dit-il, je tiens ma proie, on me la don