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gardes du corps du roi ; ses papiers sont saisis par ordre du ministre, et, la nouvelle ayant couru de Paris à Sceaux, la duchesse du Maine apprit enfin les dangers qui l’entouraient. Elle jouait au biribi, son jeu favori, quand elle entendit raconter, par un témoin venu de la ville, ces histoires d’hommes enfermés à la Bastille, de papiers saisis et de gens compromis dont la tête était en jeu ; l’infortunée eut encore la force de sourire. Elle apprit, l’instant d’après, que MM. d’Argenson et Leblanc, deux hommes rigides, étaient chargés d’interroger les accusés. A minuit, la duchesse fut avertie, à n’en pas douter, qu’elle serait arrêtée avec M. le duc du Maine, et que sa demoiselle de compagnie était compromise. Elle riait encore ; elle ne pouvait croire à rien de sérieux ; elle s’imaginait que cette conspiration était un jeu d’enfant.

Cependant Mlle de Launay restait près d’elle, et, comme elle s’était endormie, elle fut réveillée par un coup frappé à sa porte : Ouvrez, de par le roi, s’écriait une voix inconnue. Elle se lève, elle ouvre, après avoir averti la duchesse. En ce moment, la maison était remplie de mousquetaires et de gardes sous les ordres de M. le duc de Béthune, capitaine des gardes, accompagné de M. de La Billiarderie, son lieutenant. Sans trop de cérémonie, ils annoncèrent à Mme la duchesse du Maine qu’ils avaient ordre de la mettre en lieu de sûreté, et ils la firent monter dans une voiture de place. Elle fut conduite à Dijon, pendant que M. le duc du Maine, innocent de toutes ces intrigues, était enfermé dans la citadelle de Doullens, en Picardie. Ah ! quelle chute, et dans quels abîmes ils étaient précipités ces favoris de la fortune ! Hélas ! qui l’eût prédit à Louis XIV, que ses enfants bien-aimés, la joie et l’orgueil de sa vieillesse, on les traiterait, sitôt après sa mort, comme de véritables criminels !