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espérance fugitive, résolut d’en finir avec la vie. En ce temps-là la suicide était chose grave. Il était voisin du déshonneur. Le monde en parlait comme on parlerait d’un crime, et l’Église, impitoyable en ceci seulement, refusait au suicidé les prières qu’elle ne refuse à personne. Ah ! que cette malheureuse était à plaindre en prenant cette résolution funeste ! Avant de mourir, elle voulut tout au moins apprendre à M. de Silly un secret qu’elle se cachait à elle-même, et, d’une main délibérée, elle écrivit.

La lettre, à peine écrite, apaisa soudain ce cœur malade, et la pauvre abandonnée, revenue à des sentiments meilleurs, enfouit ces tristes confidences. Cependant la petite cour de Mme la duchesse du Maine était exposée à d’aussi grands orages que l’ancien Versailles. La vanité, l’orgueil, l’ambition, les brigues, les partis, les intrigues de toute sorte avaient envahi ces beaux lieux, que de loin on se figurait si paisibles. Le moindre accident, la plus légère aventure, suffisait à éveiller toutes ces imaginations, qui ne demandaient qu’un prétexte, et, comme un jour il fut question des miracles opérés par une jeune fille du menu peuple ayant nom Mlle Tétard, voilà soudain la duchesse du Maine qui s’agite et s’inquiète. Elle s’adressa naturellement à l’oracle écouté de ce temps-là, à M. de Fontenelle, esprit sagace et tout disposé au sourire. Or, cette fois, M. de Fontenelle avait pris au sérieux les miracles de Mlle Tétard, et il en fit à Mme la duchesse du Maine un rapport tout rempli d’une admiration inattendue. Alors on s’étonne, on s’interroge, et chacun se demande ou M. de Fontenelle a puisé une foi si robuste.

Au bout de huit jours on parlait encore de son rapport, lorsque, un matin, Mme la duchesse du Maine trouva sur sa table une lettre anonyme adressée à M. de Fonte