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plongée dans ce pâle demi-jour, cette taille élégante et majestueuse à la fois, ce silence plein de résignation, ce sont là autant de détails que nulle bouche humaine ne saurait dire. Cependant elle succombait peu à peu sous l’influence de la mauvaise nourriture, du mauvais air, du chagrin, de l’abandon ; mais elle succombait sans se plaindre. Elle mourait lentement ; et comme on ne lui donnait pas assez de linge, elle demandait en cachette des linges à Rosalie, et Rosalie déchirait ses chemises pour faire cette aumône à Sa Majesté.

Elle ne savait même pas les heures, sinon les heures de la guillotine le matin, et des arrêts de mort à midi, et des nouvelles incarcérations le soir ; elle ne savait que les heures funestes de cette prison si remplie de misères de toutes sortes : on lui avait enlevé cette montre qu’elle avait suspendue à un clou en entrant dans son cachot. C’était un simple bijou en or émaillé que lui avait donné sa mère alors qu’elle n’était encore qu’une jeune fille ignorante de la vie. Cette montre ne l’avait jamais quittée : elle lui rappelait des heures si douces ! Dauphine et reine de France, à Versailles et dans le donjon du Temple, elle n’avait pas eu d’autre montre. Ce bijou lui fut enlevé de par la nation, et elle pleura beaucoup quand elle livra