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de la table royale : heureux et fier était celui qui pouvait boire dans le verre de la Reine ; et alors, le malheureux gentilhomme, la tête nue, buvait à la santé de Sa Majesté.

Il n’y avait dans le cachot ni commode, ni armoire, ni même un petit miroir. Après bien des prières, la Reine obtint à grand’peine un carton pour serrer son linge, un petit miroir pour le suspendre au même clou auquel elle avait suspendu sa montre. Et ce jour-là elle fut aussi fière que si on lui eût apporté la plus belle glace de Venise ou le plus beau meuble de Boule.

Bientôt on trouva que c’était trop de luxe de donner à la Reine un poulet et un plat de légumes : on retrancha la moitié de cet ordinaire, et les dames de la Halle n’eurent même pas la consolation de dire chaque jour au fournisseur de la prison : « Prenez, Monsieur, c’est pour notre Reine ! »

Eh bien ! même dans ce complet abandon, au milieu de cette horrible pauvreté, accablée sous le poids de toutes ces douleurs, on retrouvait encore la reine et la femme, la plus grande reine du monde et la plus belle personne du monde ! Elle tendait à la cruche de grès ce gobelet d’étain, comme si elle eût tenu une coupe d’or. Ses belles mains blanches et si froides, sa belle tête si calme