Page:Janin - Œuvres diverses, série 1, tome 1, 1876.djvu/31

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’une reine. Le froid et l’humidité de la prison s’attachaient à cette légère chaussure comme eût fait la boue de l’hiver ; un jour même, un gendarme républicain eut pitié de cette humble chaussure : il tira son sabre et ôta avec soin toute cette rouille moisie qui entourait les petites semelles. Cependant dans le préau voisin, les yeux fixés sur cette grille qui les séparait de leur souveraine, se tenaient les prisonniers du Temple, royalistes voués à la mort : c’étaient de vieux prêtres de Jésus-Christ, c’étaient de vieux officiers de Fontenoy, c’étaient quelques gentilshommes en retard avec l’échafaud. Les uns et les autres, ils oubliaient leur captivité, leurs misères présentes, la mort qu’ils attendaient, pour ne songer qu’à la Reine enfermée là, dans ce cachot. — Quand ces infortunés virent ce gendarme qui essuyait les souliers de la Reine, ils tendirent les mains avec une prière suppliante, et ce gendarme leur passa le soulier de la Reine, et les uns et les autres, ils le portèrent à leurs lèvres avec un saint respect.

À midi le guichetier apportait dans un plat le dîner de la Reine, la moitié d’un poulet, un plat de légumes, une fourchette d’étain. La Reine se mettait à table, et personne ne restait pour la servir. Plus d’un prisonnier attendait que ce maigre repas fût achevé pour ramasser quelques miettes