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saient ni jour ni nuit ! ô la prairie émaillée qu’elle parcourait, abritée sous un chapeau de paille ! ô les blanches génisses qui venaient manger dans ses mains si blanches ! Où donc êtes-vous, ses beaux jours ?

Mais bientôt le concierge supprima les roses : c’était trop de bonheur pour la captive, et on avait peur de Fouquier-Tinville. La Reine aimait aussi le doux visage, le tendre regard, Pair ingénu et rempli de pitié de la jeune servante bretonne : un énorme paravent sépara la jeune servante de la Reine ; à peine Rosalie pouvait-elle de temps à autre passer la tête au-dessus de ce rempart comme pour dire à la Reine : « Madame, je suis là ! » Et ces moments-là étaient si courts !

Derrière ce paravent se tenaient les gendarmes, et avec les gendarmes un forçat libéré. La Reine n’avait pas d’autre maître de la garde-robe que ce forçat, nommé Barassin ; et, quand il était sorti, elle priait Rosalie de brûler du genièvre pour changer l’air.

Rosalie avait obtenu la permission de brosser les souliers de la Reine. C’étaient de jolis petits souliers noirs de prunelle, qu’on eût pris pour les pantoufles de Cendrillon ; la France entière avait été prosternée à ces deux pieds, qu’on eût encore adorés même s’ils n’avaient pas été les deux pieds