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jeune Bretonne, je me sers moi-même depuis longtemps. » Et elle se mit au lit. Deux gendarmes veillaient dans son cachot ; ces deux gendarmes s’appelaient Dufrène et Gilbert.

Elle resta ainsi quarante jours sans autre misère que la misère de chaque jour, veuve et seule ; pas une nouvelle de son fils le roi de France ; pas une nouvelle de ses enfants ; pas une nouvelle de Madame Elisabeth ! pas d’autre bruit que le bruit des portes de fer, et le bruit de la charrette qui s’en allait chaque matin porter la provende quotidienne au bourreau.

Mais, vers la mi-septembre, dans le cachot de la reine descendit Fouquier-Tinville, ivre de fureur. Toute la république s’agitait autour de cette prison. — Les gardes furent changés ; le concierge fut mis au cachot ; on plaça une sentinelle à la fenêtre de cette pauvre femme, et cette sentinelle se promenait nuit et jour devant cette fenêtre. — C’est que, voyez-vous, on avait laissé tomber aux pieds de la Reine un œillet.

Elle supporta sans se plaindre ces nouveaux outrages. Elle était impassible comme ce beau marbre qui représente Niobé ; elle était si calme et si triste que les plus grossiers porte-clefs faisaient silence en l’approchant et se découvraient malgré eux. Bientôt même la sentinelle qui marchait sous ces