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fleuris, ce peuple de statues mollement endormies, ces vieux arbres qui avaient abrité le grand roi et le grand siècle, cette allée sombre où se promenait Bossuet, et, tout au bout de l’avenue, le petit Trianon, chaumière de marbre dont la Reine était la bergère : tel était ce spectacle matinal.

Mais aujourd’hui, à trois heures du matin, la Reine est brusquement tirée de son sommeil. « Debout ! debout ! » Il faut qu’elle parte du Temple pour aller à la Conciergerie ; le cachot qu’elle habite est trop bon pour elle. Elle se lève donc entre deux gendarmes, elle monte dans une voiture de place avec ces gendarmes ; les stores de la voiture sont baissés ; la royale captive ne verra pas même à travers ces vitres fangeuses cette belle aurore. Il n’y a plus d’aurore pour la Reine, il n’y a plus de ciel, il n’y a plus un oiseau qui chante, plus une feuille qui verdisse ; il n’y a plus que le bourreau.

Arrivée à la Conciergerie, la porte se referma sur elle ; et cependant on dirait qu’elle connaît déjà tous les détours de cette nouvelle prison, tant elle est habile à parcourir ces sombres corridors. Elle marche dans ce dédale obscur aussi calme que si elle eût traversé la galerie de Lebrun pour se rendre à la chambre du roi. Tout d’un coup, à sa porte étroite, à son aspect menaçant, à son guichet