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trop le payer que de l’acheter au prix de quelques angoisses. Donc je commence. — Et toi, fais silence, mon cœur !

La nuit du 1er août 1793, le concierge de la prison de la Conciergerie s’occupait de meubler un étroit cachot situé à l’extrémité du long corridor noir. Le cachot était sombre, humide, malsain ; le jour y tombait à peine, et il pénétrait à regret à travers ces épais barreaux chargés de rouille. Dans ces quatre murs humides le porte-clefs plaça un lit de sangle, et sur ce lit deux matelas, un traversin, une couverture ; à côté du lit une cuvette et un tabouret. Certes, pour que le concierge de cette prison se permît de pareils préparatifs, il fallait qu’il attendît un personnage important. Hélas ! ce n’était que la reine de France, la fille de Marie-Thérèse d’Autriche, qui allait venir.

Il était trois heures du matin. Déjà le ciel se colorait de ses teintes roses du mois d’août. Ce n’était plus la nuit, ce n’était pas le jour ; c’était l’heure où plus d’une fois la reine de France, ouvrant sa fenêtre dans son appartement du château de Versailles, seule, en silence, heureuse, attendait les premiers rayons du soleil et les premiers chants de l’oiseau. Qu’ils étaient beaux à cette heure les jardins de Versailles ! Le cristal de ces eaux murmurantes, s’écoulant doucement à travers ces gazons