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ce que nous avons déjà montré à propos de plusieurs phénomènes hystériques.

Peut-on dire que dans le mutisme précédent la fonction de la parole soit détruite? Cela est bien invraisemblable, si on considère les circonstances dans lesquelles ces accidents se produisent. Le sujet perd la parole subitement après une émotion, quelquefois très légère, quand il a entendu le bruit d’un objet qui tombe sur une véranda, quand il a eu peur d’un ivrogne qui passe à côté de lui. Comment ces petites émotions ont-elles pu tout d’un coup produire un si gros dommage dans l’organisme? Cela est d’autant plus surprenant que nous ne voyons aucune trace laissée par ce grand désordre. Il n’y a aucune paralysie, au moins dans les cas typiques; mais ce qui est plus étrange encore, il n’y a à peu près aucun trouble intellectuel. On sait que l’aphasie proprement dite s’accompagne d’une sorte d’état démentiel et cela se comprend très bien, si on songe au rôle considérable du langage dans la pensée. Aussi il est bien étrange qu’un individu ait subitement perdu toute espèce de parole et qu’il continue à penser aussi clairement qu’auparavant! Enfin cet accident disparaît comme il est venu; depuis le fils de Crésus qui guérit de son mutisme en criant : « Soldat, ne tue pas Crésus! » on voit une foule de ces malades qui guérissent tout d’un coup par une colère, par un éclat de rire, par une surprise. Il faut que la fonction du langage ne soit guère compromise pour qu’elle réapparaisse aussi facilement.

D’autres faits sont plus curieux encore : pendant la période même du mutisme la parole réapparaît de temps en temps dans certaines conditions anormales. Depuis longtemps, on a observé que ces sujets muets toute la journée parlent tout haut dans leurs rêves. S’ils ont des crises délirantes, des idées fixes à forme somnambulique, ils se mettent à parler très librement