Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

des lésions tuberculeuses qu’il croit avoir dans la gorge : l’examen le plus attentif, répété par des spécialistes, démontre que le larynx est absolument sain. Un peu de pharyngite, survenue il y a des années, et l’inquiétude causée par son métier de mécanicien, « qui l’expose aux poussières de charbon », ont déterminé la localisation de cette phobie. Ce n’est qu’une peur à propos du langage; mais puisqu’il ne la surmonte pas et qu’il ne veut nous répondre qu’en écrivant sur un papier, il se conduit en réalité, comme un muet.

Les phobies du langage n’ont pas toujours la forme précédente : elles se rattachent le plus souvent à d’autres sentiments, à des sentiments de mécontentement, de timidité, de honte, à des sentiments d’infériorité par rapport à tout le monde. Ces sentiment troublent beaucoup d’actions, en particulier celles qui doivent être effectuées devant les autres hommes et principalement le langage qui est le type des phénomènes sociaux. Cette impuissance à agir devant les hommes, cette aboulie sociale constitue l’essentiel de la timidité. Ce trouble joue un rôle considérable chez presque tous les malades psychasténiques; il en est bien peu qui, à un moment de leur existence et quelquefois pendant toute leur vie, n’aient pas été rendus impuissants et surtout muets par la timidité. Ne pas pouvoir jouer du piano devant les témoins, ne pas pouvoir écrire si on vous regarde et surtout ne plus pouvoir parler devant quelqu’un, avoir la voix rauque, aiguë, ou rester aphone, ne plus trouver une seule pensée à exprimer quand on savait si bien auparavant ce qu’il fallait dire, c’est le sort commun de toutes ces personnes, c’est l’histoire banale qu’ils racontent tous. « Quand je veux jouer un morceau de piano devant quelqu’un ou quand je veux dire quelque chose à quelqu’un, il me semble que l’action est difficile, qu’il y a des gênes énormes, et, si je veux les surmonter,