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il n’y a pas là de parole du tout et il semble même que ce malade n’a plus l’idée ni le désir de la parole. Le sujet semble avoir oublié cet usage qu’à tort ou à raison les hommes ont fait de leur bouche. J’insiste sur ce caractère parce que tous les auteurs, avec beaucoup d’exagération à mon avis, en font un signe distinctif entre l’aphasie organique et le mutisme hystérique.

Quand nous cherchons à nous rendre compte de la raison de ce silence qui se prolonge ainsi depuis des mois, nous examinons les différents organes périphériques de la parole et nous remarquons alors le second caractère de cette affection, c’est-à-dire l’absence à peu près totale de phénomènes paralytiques. Les lèvres, les joues, la langue, le voile du palais se remuent très bien et de la façon la plus correcte. Le malade, qui comprend tout, fait tout ce qu’on lui demande, remue ses lèvre de tous les côtés, découvre les dents, sourit, exécute tous les mouvements de la langue et tout cela sans difficulté. Sans doute, dans certains cas, je crois qu’il faut faire quelques réserves sur cette description un peu théorique de Charcot; on observe très souvent, chez ces muets, certains petits troubles du mouvement localisés de tel ou tel organe, par exemple des petites contractures de tel ou tel muscle de la langue ou des lèvres : il est même bon de les rechercher avec soin, car il est important de les faire disparaître avant de rechercher à ramener la parole. On remarquera aussi que les mouvements de la bouche et de la face ne sont pas aussi parfaits que le disait Charcot, il n’y a pas de paralysie proprement dite, mais il y a souvent de la maladresse, de la gaucherie, de la laideur. Oui, de la laideur, ces sujets dont l’esprit rétrograde, à mon avis, perdent souvent la délicatesse, la perfection de certaines fonctions supérieures et on peut très bien noter, chez eux, une certaine vulgarité dans l’expression et dans les mouvements