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la conservation des perceptions et le mutisme. Il n’est pas nécessaire de rappeler l’histoire du fils de Crésus, ce muet qui retrouve la parole subitement pour crier : « Soldat, ne tue pas Crésus ». Nous pouvons passer aux temps modernes et rappeler toutes les histoires de mutisme chez les possédés et chez les extatiques. J’ai déjà fait allusion à l’ouvrage de Carré de Montgeron sur les miracles du diacre Paris où l’on peut lire le cas de Marguerite-Françoise Duchesne : « Après une attaque de léthargie, qui dura sept ou huit jours, il survint une extinction de voix presque totale : tout lui fut enlevé jusqu’à la faculté même de se plaindre ». Un mois après, l’ouïe et la vue seulement lui furent rendues, mais il n’en fut pas de même de la voix qui resta entièrement éteinte. Au XIXe siècle, les cas se multiplient, le chirurgien anglais Watson se vante d’avoir rendu la parole par un traitement électrique à une demoiselle qui était aphone et muette depuis douze ans. Briquet, Kussmaul, Revillod, Charcot, Cartaz ont beaucoup insisté sur ces phénomènes qui sont maintenant à peu près bien connus dans leur ensemble.

L’accident peut survenir chez des hystériques avérés qui ont déjà présenté beaucoup de symptômes de la névrose, à la suite d’un somnambulisme ou d’une attaque, mais il peut aussi survenir chez des personnes qui semblaient jusque-là à peu près normales et dans ce cas, il survient presque toujours à la suite d’une grande émotion assez subite.

Il en était ainsi, par exemple, dans le cas classique étudié par Charcot : un homme d’une quarantaine d’années vivant en province avait réalisé quelques économies et sa femme parvint à le convaincre de venir les dépenser à Paris. Il s’installa avec elle dans un hôtel de la capitale, mais un jour, rentrant au logis après une absence il constata que sa femme avait disparu en emportant le petit magot. Le