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depuis un très grand nombre de cas semblables dans lesquels la part de l’idée fixe était encore moins importante. Ces malades me mettent à chanter, racontent des histoires absurdes, bavardent à tort et à travers sur tout ce qui leur est arrivé, sans grande suite et surtout sans que l’un retrouve l’unité d’une idée fixe. Ainsi j’ai écrit des pages et des pages sous la dictée d’une de ces malades, D…, âgée de vingt-huit ans. Cette femme ne semblait même pas entrer en crise. Elle continuait son travail de couture et bavardait indéfiniment à haute voix. Voici quelques passages de mes notes : « Oh mon pauvre mari, je n’avais pourtant que toi… des peines et des peines… j’arrive et je trouve des punaises dans le lit, des poules à faire pondre… cette pauvre fille, elle ne sait pas faire pondre les poules, il faut la renvoyer chez sa mère…. Et dire que j’ai mangé en route le gâteau que je portait à la nourrice de mon fils, en voilà du chichi… les lapins on bien fait de se sauver..., elle n’a que ce qu’elle mérite, nous le raconterons à la belle-mère… ah celle-là, c’est bien une femme à faire de la morale aux papillons.., etc. » Elle continuait ainsi pendant des heures entières. Ce qui était le plus curieux, c’est qu’on pouvait l’arrêter beaucoup plus facilement que les malades précédentes : si on la secouait, si on lui parlait, elle s’arrêtait, se tournait vers nous, et, après quelques instants de surprise, nous faisait répéter notre question et nous répondait. Mais elle ne pouvait rien dire à propos de son bavardage précédent qu’elle paraissait avoir oublié et qui ne pouvait redevenir conscient que dans des états spéciaux.

Il y a là quelque chose d’analogue à l’écriture automatique que nous avons déjà vue à propos des idées fixes subconscientes. L’écriture comme le langage peut se séparer de l’idée fixe et semble quelquefois se développer pour elle-même. S’il y a des écritures