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rien de ce qui se passait devant elle; les jours ne s’écoulaient pas pour elle; elle croyait toujours être au lendemain du 14 Juillet et ne savait jamais qu’une personne venait de lui parler ou qu’elle avait fait quelque chose. De grave événements, une morsure par un chien enragé, le voyage à Paris, les injections à l’Institut Pasteur, les examens à Salpêtrière , rien ne laissait la moindre trace dans son esprit. Cette observation paraîtra encore plus remarquable si j’ajoute que ce trouble étrange a été complet pendant plus de quatre ans, et qu’aujourd’hui, après plus de quinze ans, il n’est pas complètement disparu. La malade a conservé l’habitude étrange de ne pas pouvoir retrouver le souvenir des événements tout à fait récents. Ainsi elle ne sait rien de ce qu’elle a fait hier et les souvenirs de la journée d’hier ne pourront être des éléments de sa conscience que dans quelques jours, tandis que les événements de ces nouvelles journées seront eux-mêmes oubliés. C’est là un fait curieux que j’ai appelé la mémoire retardante et qui se rattache à toutes sortes de phénomènes curieux de la pathologie mentale. La figure 3 montre les modifications de cette étrange amnésie pendant une période de quatre années.

Sans doute, tous les cas d’amnésie continue sont loin d’être aussi remarquables, mais ce trouble dans l’acquisition des souvenirs nouveaux est cependant fréquent, et on peut observer chez beaucoup d’hystériques. Ces malades cessent de s’instruire, n’ajoutent plus de souvenir nouveaux à leur capital intellectuel et ne conservent en réalité qu’une mémoire très vague des événements qui se passent sous leurs yeux.


2. - Les doutes psychasténiques.


Tous les névropathes sont loin de présenter des amnésies aussi caractéristiques que celles des hystériques.