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ce moment même. Pour reprendre le même exemple, la fonction de l’alimentation doit s’exercer en ce moment, quand je dois prendre des aliments sur cette table, au milieu de certaines personnes nouvelles, c’est-à-dire desquelles je ne suis pas encore trouvé dans cette circonstance, en portant un costume spécial et en soumettant mon corps et mon esprit à des rites sociaux tout à fait particuliers. C’est toujours au fond la fonction de l’alimentation, mais on voudra bien remarquer que l’acte de dîner en ville n’est pas tout à fait le même phénomène physiologique que la simple sécrétion du pancréas.

Cette distinction et ces degrés se retrouvent à mon avis dans toutes les fonctions, aussi bien dans les fonctions de la marche que dans les fonctions de l’écriture, aussi bien dans les fonctions de la miction que dans les fonctions sexuelles. La physiologie peut ne pas s’en préoccuper car elle n’étudie que la partie organisée, régulière, simple, de la fonction et le physiologiste rirait bien si on lui disait que dans l’étude de l’alimentation il doit tenir compte du travail qui consiste à manger en portant un habit noir et en parlant à sa voisine. Mais la médecine ne peut pas s’en désintéresser, parce que la maladie ne nous consulte pas et qu’elle ne porte pas toujours sur les parties de la fonction que nous connaissons le mieux.

Sans doute il y aura des maladies simples de la fonction, si le malade ne marche pas parce qu’il a cassé son péroné ou s’il ne s’alimente pas parce qu’il a un cancer du pylore. Ici c’est la partie ancienne et simple de la fonction qui est lésée et la lésion porte sur un organe bien distinct. Mais la maladie peut porter sur les parties supérieures de la fonction, sur celle qui sont encore en formation, en organisation : il y a des individus qui ne marchent pas, quoique leurs jambes et même leur moelle épinière soient intactes, ou qui ne s’alimentent pas quoique leur