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croyait sauver son enfant, courait sur les toits mieux qu’il n’aurait pu le faire à l’état normal, même s’il n’eut pas été paralysé. Les scènes érotiques se déroulent avec un réalisme qui n’est troublé par aucune pudeur. Aussi n’est-il pas surprenant, comme nous l’avons vu , que de tels délires amènent quelquefois des actes graves. Beaucoup d’auteurs, comme Legrand du Saulle, 1852, Yellowlees, 1878, Féré et Motet, 1881, Pitres, Gilles de la Tourette, Barth, Biaute, 1904, ont signalé des crimes et des suicides commis dans ces conditions.

Cette même perfection qui amène la réalisation des actes existe aussi dans la représentation des images; les choses auxquelles pense le malade comme conséquence de son idée fixe deviennent dans cet état de véritables hallucinations. Il n’existe guère de maladie mentale où les hallucinations soient aussi complètes et aussi indiscutables : il n’y a guère que dans le délire alcoolique que l’on trouve des hallucinations visuelles comparables. L’attitude du sujet, ses expressions de physionomie, ses paroles nous montrent qu’il voit et qu’il entend exactement comme s’il s’agissait d’objets réels. Tous les sens sont intéressés et se complètent l’un par l’autre : dans certains cas d’hallu-cinations érotiques, le sujet décrit minutieusement les impressions de tous les sens, il sent les poils de la moustache de l’individu qui l’embrasse aussi bien qu’il voit sa figure et qu’il a senti l’odeur de sa cigarette. Cette transformation de toutes les impressions en images et souvent en images visuelles explique beaucoup de phénomènes qu’on observe chez l’hystérique et en particulier sa prétendue lucidité. Elle voit à distance, et décrit si bien des endroits éloignés que les auditeurs naïfs croient qu’elle s’y est transportée; elle voit si bien le paradis et l’enfer qu’elle y fait croire les assistants; bien mieux, elle voit ses organes internes, c’est-à-dire