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qui, à l’insu de l’auteur lui-même, le guidait dans ce problème de classification; il suffit pour le comprendre de relire la table des matière de ce même ouvrage de Pomme. Nous y voyons énumérées « la maladie extraordinaire de Mme de Bezons,… la maladie extraordinaire de Mme Pécaud,… la maladie extraordinaire de l’évêque de Noyon,… la maladie extraordinaire de Mlle Roux,… l’observation de M. Villeaupuis sur un effet remarquable du raccornissement,… l’effet cruel de la raréfaction de l’air intérieur, le surnagement de Mme de Cligny dans son bain, etc. » Dans cette singulière table des matières on retrouve à toutes les lignes les mots « extraordinaire, remarquable et étonnant », on dirait vraiment un catalogue de musée de phénomènes. Il me semble que l’auteur nous étale avec naïveté l’état de sa pensée et nous donne la définition des « vapeur » beaucoup plus clairement que dans son premier chapitre. Il n’y a pas d’autres caractères communs dans ces descriptions de flux hémorroïdal mêlé à des jaunisses, de convulsions, d’aigreurs, de cécités, de surnagements dans le bain, si ce n’est le sentiment d’étonnement que ces symptômes faisaient naître dans l’esprit du médecin qui était appelé pour les constater et qui n’y comprenait rien. Jamais il ne lui serait venu à l’idée d’appeler « vaporeuse » l’impotence causée par la fracture d’un bras. Il voyait la cause du phénomène et il trouvait alors la maladie très simple, tandis qu’il appelait de ce nom un accident quelconque, même un vomissement quand il n’en soupçonnait pas la raison. Les névroses ont été en somme pendant très longtemps des maladies extraordinaires, c’est-à-dire inexplicable, incompréhensible dans l’état actuel de la science physiologique. Ce groupe de maladies était un tiroir commode où l’on rejetait sans examen tous les faits pour lesquels on n’avait pas de casier déterminé.