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qui prennent un développement énorme. On a peine à comprendre que le second phénomène ne soit que le substitut du premier. Quand un phénomène physiologique est très supérieur à un autre, la tension qu’il exige pour se produire pourrait être suffisante, si on l’employait autrement, pour produire cent fois le phénomène inférieur : nous sommes amenés à admettre que la force inemployée pour les phénomènes supérieurs qui ne peuvent plus se produire donne naissance à une véritable explosion de phénomènes inférieurs, infiniment nombreux et puissants, mais à un plus bas degré dans la hiérarchie[1]. C’est toujours l’abaissement de l’activité cérébrale, la chute de plusieurs degrés qui se manifeste dans ces agitations comme dans les dépressions elles-mêmes.

Le caractère général que je cherche à mettre ainsi en évidence me paraît se retrouver facilement dans tous les symptômes de la névrose psychasténique. C’est en raison de la psycholepsie, de la chute de la tension psychologique que l’on voit disparaître les fonctions les plus difficiles qui exigent précisément le plus de tension. Les fonctions sociales qui ajoutent à notre action la considération des autres hommes et de leur sentiment à notre égard sont les plus rapidement atteintes. C’est pourquoi la timidité, qui n’est que l’aboulie sociale, l’intimidation, qui n’est qu’une dérivation à la suite de cette aboulie sociale, vont être bien souvent les premiers symptômes : les phénomènes dans lesquels interviennent des luttes nécessaires, des responsabilités vont disparaître ensuite et c’est ainsi que vont se constituer les diverses agoraphobies, les phobies génitales, les phobies du mariage, les phobies professionnelles. Dans d’autre cas, la difficulté de telle ou telle fonction n’est pas aussi

  1. Obsessions et psychasténie, 1903, I, p. 554.