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que cette tension est très variable, non seulement chez les différents hommes, mais encore au cours de la vie d’un même individu. Si je ne me trompe, la connaissance de ces variations de la tension psychologique, de ces oscillations du niveau mental jouera plus tard un rôle de premier ordre dans l’interprétation des modifications du caractère, de l’évolution de l’esprit, de tous les phénomènes analogues à la fatigue, au sommeil, à l’émotion.

C’est cette notion qui s’applique très bien à l’interprétation des symptômes psychasténiques et qui permet de constater un caractère général de toute la maladie. À partir d’un certain moment, sous des influences diverses, intoxication, fatigue, chocs émotionnels, survient chez ces individus prédisposés le plus souvent par l’hérédité, un abaissement notable de la tension psychologique. Cela veut dire que certains phénomènes supérieurs, ceux de la fonction du réel, l’action volontaire, avec sentiment de liberté et de personnalité, la perception de la réalité, la croyance, la certitude, la jouissance du présent, sont devenus à peu près impossibles, que le sujet sent vivement cette lacune et qu’il l’exprime par toutes sortes de sentiments d’incom-plétude.

Quand cette dépression se produit, les phénomènes inférieurs, action et perception désintéressées, raisonnement, rêverie, agitation motrice et viscérale subsistent parfaitement et même se développent à la place des supérieurs. Ce développement exagéré me paraît dépendre précisément de la diminution des phénomènes supérieurs. C’est pourquoi je suis disposé à considérer cette agitation comme « une substitution, une dérivation qui remplace les phénomènes supérieurs supprimés ». Une des difficultés de cette conception, c’est la disproportion apparente entre les actions supprimées qui semblaient devoir être simple et rapide et ces phénomènes secondaires