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par exemple les obsessions du crime peuvent prendre la forme du remords. Le malade ne se sent pas actuellement poussé à accomplir une action criminelle, mais il pense qu’il l’a accomplie autrefois et il est bourrelé de remords. On peut mettre bien entendu au premier rang les remords des fautes religieuses, les désespoirs causés par les confessions insuffisantes ou par les communions prétendues sacrilèges. Tous ceux qui s’occupent de maladies mentales ont connu ces femmes affolées pendant des mois parce qu’elles croient avoir fait entrer un morceau d’hostie dans une dent creuse. Le fait est si banal qu’il a été bien connu et bien décrit par les romanciers : on peut relire à ce propos la jolie description de la sœur aux scrupules dans le Musée de béguines, de G. Rodenbach.

D’autres ont des remords pour tous les crimes possibles qui tout à l’heure provoquaient des impulsions. Une femme, caissière dans une maison de commerce est poursuivie par l’idée qu’elle a mal rendu la monnaie, qu’elle a volé; un homme a l’idée qu’il a pu tuer quelqu’un; il va dans la rue frôler les sergents de ville, et il se trouve sur le point de les prier de l’arrêter.

Dans quelques cas, on pourrait dire que l’obsession se réduit encore à un seul mot, à une image simple qui apparaît au malade et qui résume ses longs tourments précédents. Par exemple, un jeune homme qui est obsédé par l’idée de liberté, en relation, comme on l’a vu, avec le honte de soi, me décrit cette impression singulière. Il se figure en marchant dans la rue qu’il est toujours entouré par quatre arbres, deux par devant, deux par derrière, et que ces arbres sont reliés par des chaînes. Ces arbres, il les connaît bien, ce sont les quatre arbres de la cour du lycée. Une femme prétend voir devant elle une tête humaine traversée par un long couteau pointu au niveau des