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peu à peu le métier, la lutte contre les autres, la vie au dehors, les relations sociales. On voit qu’ils mènent une existence toute spéciale, parfaitement insignifiants à tous les points de vue, « étrangers aux choses, étranger à tout ». Ils ne peuvent s’intéresser à rien de pratique et ils sont quelquefois, depuis leur enfance, d’une maladresse surprenante. La famille des malades répète toujours qu’ils n’ont jamais compte de leur situation réelle, qu’ils ne savent rien organiser, rien réussir. Quand ils conservent quelque activité, on voit qu’ils se complaisent dans les choses qui sont les plus éloignées de la réalité matérielle : ils sont quelquefois psychologues, ils aiment surtout la philosophie et deviennent de terribles métaphysiciens. Quand on a vu beaucoup de scrupuleux, on en arrive à se demander avec tristesse si la spéculation philosophique n’est pas une maladie de d’esprit humain.

Une conséquence très remarquable et un peu inattendue et cet éloignement du réel, c’est leur ascétisme sur lequel j’ai eu l’occasion d’insister. Il n’ont qu’une seule préoccupation, c’est d’avoir à faire le moins d’efforts possible dans la vie. Comme ces efforts amènent des délibérations, des scrupules, des angoisses, ils ne tiennent pas assez à la réalité pour braver ces accidents, aussi en arrivent-ils peu à peu à se passer de tout, à renoncer à tout.

Enfin, on pourrait rattacher encore à cet éloignement du réel les troubles que l’on constate fréquemment à propos du sens du temps. Il est évident qu’ils ne mettent pas la même différence que nous entre le présent et le passé : le présent n’est pas absorbant pour eux, ils accordent une importance disproportionnée à l’avenir et surtout au passé; de là, cette obsession du passé si souvent signalée, en particulier dans les observations de Lowenfeld. Aujourd’hui se distingue d’hier par un coefficient plus