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Cette émotion limitée aux palpitations de cœur, aux respirations irrégulières, aux bouffées de rougeur va se retrouver exactement la même dans les émotions plus normales. Or, l’angoisse du malade, j’ai essayé de le montrer, est un état pathologique tout spécial, ce serait une grosse erreur que de la confondre avec une émotion quelconque. Les sujets sont les premiers à nous avertir « qu’ils n’éprou-vent pas une peur naturelle, que leur angoisse toujours la même supprime et remplace la peur naturelle ». Comment pourra-t-on dans cette interprétation rendre compte de cette différence considérable entre l’émotion normale et l’angoisse?

On ne peut répondre qu’en alléguant une différence de quantité dans ces phénomènes viscéraux dont le contre-coup détermine dans la conscience les émotions et les angoisses. Ce sera leur exagération qui leur donnera leur caractère pathologique et qui distinguera l’obsession de la colère ou de la peur. N’y a-t-il pas de grandes colères, des élans d’enthousiasme, de grandes terreurs qui s’accompagnent de grandes modifications viscérales et qui cependant restent des colères, des enthousiasmes, des peurs, sans devenir des phobies et des obsessions? N’y a-t-il pas infiniment d’autres états pathologiques dans les maladies cardiaques ou pulmonaires qui s’accompagnent de grandes modifications viscérales du même genre, sans être identiques à des crises d’obsession? Quel que soit le problème considéré, on est toujours forcé dans cette théorie émotionnelle de rester dans de grandes généralités vagues.

Inversement, cette théorie est trop restreinte : tous les symptômes que nous avons énumérés sont loin de se ramener à des troubles émotionnels de ce genre. Quelques obsessions seulement dérivent d’an-goisses préalables, mais beaucoup d’autres se sont développées à la suite de troubles intellectuels très