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de tous les phénomènes psychologiques qui d’ordinaire s’opposent au développement de l’idée suggérée. Toutes sortes d’observations et d’expériences démontrent que la suggestion dépend de cette suppression, et que si on rétablit les phénomènes antagonistes, la suggestion ne se développe pas. C’est parce qu’il n’y a pas de réaction mutuelle entre diverses idées, diverses tendances simultanées, que chaque système peut se développer démesurément et que nous observons le phénomène de la suggestion.

Si nous étudions le deuxième stigmate qui a été décrit, cette singulière distractivité que nous n’avons pas pu désigner autrement, cet état bizarre dans lequel les malades oublient immédiatement les perceptions, les souvenirs qui ne sont pas immédiatement en rapport avec leur pensée actuelle, nous nous trouvons en présence d’un phénomène analogue au précédent. Ce second fait n’est en réalité qu’un autre aspect du premier : nous avons vu que chaque idée existait dans l’esprit d’une manière très isolée, nous voyons maintenant que toutes les autres idées voisines de la première sont en effet supprimées. On dirait, disions-nous, une pensée où manque la pénombre, qui est réduite à l’idée claire, centrale, sans aucun cortège d’images incomplètes environnantes. Le troisième stigmate, l’alternance perpétuelle, le remplacement d’un accident par un autre est encore un fait du même genre, la pensée passe successivement sans transitions d’un fait à un autre.

J’ai essayé autrefois de résumer ces caractères psychologiques d’une façon aussi simple que possible par la conception du rétrécissement du champ de la conscience. La vie psychologique n’est pas uniquement constituée par une succession de phénomènes venant à la suite les uns des autres et formant une longue chaîne qui se prolonge dans un seul sens. Chacun de ces états successifs est en réalité complexe, il renferme