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dangereuses de cette honte du corps est celle qui s’accompagne d’une impulsion à refuser toute nourriture. Pour une raison quelconque, les jeunes gens ou les jeunes filles trouvent qu’ils grandissent trop et surtout qu’ils grossissent trop. Ils ont peur de devenir des grandes personnes, de ne plus être aimés et protégés comme des enfants ou bien ils croient qu’ils vont devenir trop gros ou trop laids, qu’ils seront ridicules et méprisés, ou bien ils sont effrayés par le développement des organes sexuels, des seins, et ils mêlent à la honte du corps une obsession génitale. Dans tous ces cas, ils se sentent poussés à arrêter cet embonpoint en ne mangeant plus; ils montrent une résistance invraisemblable, déploient une grande habileté pour arriver à supprimer toute alimentation et ils tombent dans des états de maigreur parfois extraordinaires.

Si la honte porte sur telle ou telle partie du corps, nous aurons la honte et la crainte de la rougeur au visage qui a été si souvent étudiée dans ces dernières années, la honte des mains, la crainte des taches, la honte de l’écriture qui joue un rôle si important dans ce qu’on a appelé souvent à tort la crampe des écrivains, la honte des fonctions de la vessie, les obsessions de honte relatives aux fonctions génitales qui rendent fréquemment les jeunes gens impuissants; enfin faut-il rappeler l’obsession relative aux gaz abdominaux et ces personnes qui se cloîtrent volontairement, qui refusent de voir personne, parce qu’elles sont convaincues qu’on va se boucher le nez se elles approchent.

On remarquera que dans tous ces cas des impulsions à des actes déterminés accompagnent toutes ces obsessions. Non seulement le malade pense qu’il est trop gros ou qu’il va lâcher des gaz, mais encore il refuse de manger, il refuse de sortir, il est poussé à se faire vomir ou à se teindre le visage en rouge, afin qu’on ne voie pas apparaître la rougeur émotive.