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bien des cas, des obsessions amoureuses ne sont qu’une forme de la honte de soi. Dans ces obsessions, le phénomène génital, si même il existe, ne joue qu’un rôle accessoire, tandis que l’amour moral, le besoin de vivre auprès d’une personne déterminée, de penser constamment à elle, de lui subordonner toutes les actions de la vie devient l’essentiel. Si les malades ne peuvent plus se passer de cette personne, s’ils se sentent seuls, s’ils croient devenir fous par isolement quand elle les abandonne, c’est qu’ils croient être incapables de se diriger seuls et qu’ils ont un besoin obsédant de cette direction ou de cette excitation très spéciale qui les remonte. Des impulsions évidentes à courir après une personne déterminée, à l’entourer, à s’occuper d’elle, accompagnent cette obsession. J’ai vu des impulsions bizarres à la générosité, des impulsions à faire des cadeaux, à rendre sans cesse des services qui n’étaient autre chose qu’une manifestation de la honte de soi.

Obsessions de la honte du corps. — Cette idée du mépris de soi-même, cette obsession du mécontentement personnel porte bien plus souvent encore sur la personne physique, sur le corps. Les malades chez qui l’on rencontre ce mécontentement de leur corps sont fort nombreux ; ils forment un groupe singulier dont on ne pourrait pas soupçonner l’importance avant de les avoir fréquentés. On pourrait les appeler tous des « honteux de leur corps ». Les plus complets ont une obsession relative à leur corps tout entier ; à toutes ses parties, et, par conséquent, leur obsession générale se subdivise en une foule de petits délires particuliers. Les autres vont moins loin dans la même voie et leur obsession de honte ne porte par sur tout l’organisme, mais elle se systématise sur telle ou telle partie, telle ou telle fonction dont ils sont particulièrement honteux.

L’une des formes les plus curieuse et les plus