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négatifs, sont plus curieux encore : pendant le développement de son délire, le sujet, non seulement ne croit rien, n’accepte rien qui soit en opposition avec son idée dominante, comme on le voit dans les délires systématiques, mais il ne voit même rien, n’entend rien en dehors du système d’images de son idée : « Ses yeux sont ouverts, mais ils ne voient rien », disait déjà le médecin de lady Macbeth. Quand le délire se termine, le sujet revient à la vie normale et semble avoir complètement oublié ce qui vient de se passer. Dans bien des cas, comme j’ai essayé de le montrer, cette amnésie est plus complète encore : elle s’étend non seulement sur la période remplie par le délire, mais encore sur l’idée même qui a rempli le délire et sur tous les événements précédents où cette idée a été mêlée. Sans doute, cette amnésie, comme cette anesthésie, a des caractères étranges : elle n’est ni définitive, ni bien profonde, mais elle n’en est pas moins très réelle; elle n’est ni inventée, ni voulue par le sujet qui a l’idée fixe de l’événement auquel il pense dans son délire, mais qui n’a aucunement l’idée de tous ces caractères du délire, qui se reproduisent cependant, depuis des siècles, dans les pays les plus divers.

En résumé, ce premier grand symptôme de l’hystérie pourrait se caractériser ainsi : c’est une idée, un système d’images et de mouvement qui échappe au contrôle et même à la connaissance de l’ensem-ble des autres systèmes constituant la personnalité. D’un côté, il y a développement exagéré, régulièrement déterminé, de cette idée émancipée; de l’autre, il y a lacune, amnésie ou inconscience particulière, dans la conscience personnelle.

Considérons un phénomène très voisin de l’idée, le langage : dans bien des cas, nous voyons des crises singulières de logorrhée dans lesquelles le sujet parle indéfiniment, à tort et à travers, de toute espèce de chose