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ils ont une notion vague de tout et il n’y a pas chez eux de suppression totale des phénomènes environnants dès qu’ils en perçoivent un. Cette suppression facile et automatique de tous les phénomènes psychologiques étrangers à l’idée qui occupe momentanément la conscience est un phénomène assez particulier que je n’ai bien nettement observé que chez les hystériques, c’est ce que je désigne par ce mot barbare de distractivité.

Nous venons de voir que ce phénomène a des caractères analogues à ceux de la suggestion. Peut-on dire qu’il se confond avec elle, en est-il simplement une conséquence? En fait cela n’est pas, car on leur a guère suggéré un phénomène semblable que l’on connaît peu et que les sujets eux-mêmes n’ont pas remarqué. D’autre part, on ne comprendrait pas bien que la suggestion, qui est précisément le développement d’une idée, expliquât cette distraction qui est l’indifférence à une foule de faits. Enfin la suggestion même me paraît dépendre de cette disposition mentale : elle en serait bien plus souvent l’effet que la cause. C’est précisément parce que les sujets ont tout oublié en dehors de l’idée suggérée, parce qu’ils ne sont plus retenus par aucune perception, aucune pensée relative à la réalité environnante qu’ils laissent se développer si librement ces idées qu’on leur a mises en tête. La suggestivité et la distractivité ne me paraissent pas se produire l’une l’autre, elles sont deux stigmates parallèles qui ne peuvent pas exister l’un sans l’autre.

Un autre caractère mériterait aussi d’être signalé comme une conséquence des deux précédents, c’est cette disposition au changement total et subit des phénomènes de conscience qui, pendant l’état considéré comme à peu près normal, détermine la versatilité du caractère et qui pendant la période de maladie donne naissance aux transfert et aux équivalences. Pendant une certaine période, de 1875 à 1890, on