Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/320

Cette page n’a pas encore été corrigée

très vite dès qu’ils prennent quelque importance. Chez l’hystérique, ces phénomènes sont oubliés, ou ils ne sont pas sentis, ils disparaissent beaucoup plus complètement et ne rentrent que difficilement dans la conscience.

Mais un second caractère est encore bien plus important : chez l’homme normal, cette distraction est le résultat d’un grand intérêt déterminé par quelque instinct puissant ou d’un acte d’attention volontaire; c’est parce que toute la personnalité avec ses instincts, ses tendances, ses souvenirs s’intéresse à ce phénomène que les autres sont laissés dans la pénombre. Quand ces conditions d’intérêt n’existent pas, la distraction cesse de se produire. Chez nos malades, nous ne voyons pas cet intérêt puisant, ni cet acte d’attention volontaire. L’ignorance des phénomènes environnants se produit perpétuellement sans qu’il n’y ait aucune raison qui donne une grande importance aux phénomènes conservés. Il ne s’agit pas non plus d’un effort d’atten-tion ou de volonté. L’attention, qui est chez eux très faible, serait parfaitement incapable de ce tour de force et d’ailleurs le sujet ne fait aucun effort de concentration au moment où il a l’air si absorbé. Il y a là un phénomène tout à fait analogue par certains points à celui de la suggestion : de même que dans la suggestion les idées se développent automatiquement par leur propre force, sans aucune collaboration de l’ensemble de la personne, de même ici les idées sont supprimées mécaniquement par le simple fait que la conscience se porte sur un autre point sans aucun travail spécial pour amener ce résultat.

Si cette disposition de l’esprit est différente de la distraction normale, je ne crois pas qu’elle soit non plus identique au trouble de l’attention qui se présente si souvent dans les autres maladies de l’esprit. Les individus fatigués, confus, ne portent une attention précise sur rien; il n’approfondissent rien, mais