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bien nette : il s’agit d’une disposition à l’indiffé-rence, à l’abstraction, à la distraction tout à fait exagérée et anormale. J’ai déjà insisté autrefois à plusieurs reprises sur ce fait[1]. On m’a reproché d’avoir confondu sous le même nom, sous le mot distraction, le phénomène anormal que je voulais faire connaître et la distraction de l’homme normal qui a d’autres caractères. Je propose donc de désigner ici ce phénomène pathologique par le mot de distractivité des hystériques afin d’employer un mot analogue à celui de suggestivité.

Quand nous faisons attention à quelque chose, nous nous détournons en même temps de plusieurs autres choses et nous cessons de nous intéresser à d’autres phénomènes qui parviennent cependant encore jusqu’à notre esprit : pendant que je fais attention à ma lecture, je me distrais des bruits de la rue quoique je les perçoive encore. Cette distraction, ou du moins un phénomène analogue se présente dans l’esprit des hystériques d’une manière bien étrange. Ces malades paraissent ne voir qu’une seule chose à la fois et elles semblent n’avoir aucune notion d’un objet pourtant très voisin; quand elles parlent à une personne, elles paraissent oublier qu’il y en a d’autres dans la chambre, et laissent échapper tous leurs secrets avec indifférence. Quand elles conçoivent une idée, on remarque qu’elles ont à ce propos une conviction puérile qui semble fondée sur une ignorance étonnante : elles paraissent n’avoir aucune notion des objections, des impossibilités, des contradictions; il n’y a plus rien dans leur esprit en dehors de l’idée qu’elles ont conçue. La même limitation peut être quelquefois observée dans leurs mouvements et dans leurs actes. Dès le début de la maladie, ces personnes ne peuvent plus faire qu’une action à la fois : on reconnaît

  1. Automatisme psychologique, p. 188; Stigmates mentaux des hystériques, p. 36; Accidents mentaux, p. 273.